- 03 avr. 2025 15:04
#141
La merde de plus.
Il est des figures que l’on préférerait reléguer aux marges de l’histoire, non par esprit de censure, mais parce que leur persistance dans l’espace public témoigne d’une complaisance coupable. Bertrand Cantat est de celles-là. Que son nom continue d’être murmuré avec une forme d’indulgence feutrée, que certains osent encore le parer du voile sacré de l’artiste maudit, voilà qui en dit long sur les accommodements douteux que notre société concède à la masculinité la plus brutale, pourvu qu’elle s’exprime en vers.
Car il ne s’agit pas ici d’un simple “homme ayant payé sa dette à la société”, comme on aime à l’ânonner pour excuser les puissants tombés en disgrâce. Il s’agit d’un homme dont la violence ne s’est pas arrêtée aux murs d’une chambre d’hôtel lituanienne, d’un homme qui, après avoir ôté la vie à Marie Trintignant sous les coups, a poursuivi sa route sans une once de discrétion, quémandant une réhabilitation artistique comme un droit inaliénable. Ses admirateurs, prompts à brandir la rédemption comme un passe-droit, feignent d’oublier qu’une autre femme, Kristina Rady, son épouse, s’est donnée la mort après des années sous son emprise, laissant derrière elle des enregistrements glaçants témoignant d’une terreur quotidienne.
Et pourtant, que de complaisance ! Que de pudeur sélective dans les colonnes de la presse musicale, qui préfère célébrer le “poète écorché” plutôt que d’affronter la laideur des faits ! Que de silences gênés dans les rédactions où l’on rechigne à nommer les choses, préférant des litotes élégantes aux mots crus : féminicide, violence conjugale, harcèlement. On parle de “destin tragique”, comme si la fatalité et le malheur avaient dicté ces actes, comme si la littérature du mal pouvait absoudre l’homme qui en incarne le pire visage.
Ce que révèle l’indulgence dont bénéficie encore Bertrand Cantat, c’est la puissance insidieuse de la masculinité toxique, ce culte du génie masculin qui excuse tout, même l’irréparable. Car dans l’imaginaire collectif, le “grand artiste” a toujours droit à une part d’ombre, fût-elle sanglante. L’homme violent devient une figure romantique, un écorché vif que l’on réhabilite au nom de la création, là où les victimes, elles, se réduisent à des fantômes.
À ceux qui continuent de le défendre, qui murmurent que “l’homme et l’artiste sont deux choses distinctes”, il faut opposer une évidence cruelle : Bertrand Cantat n’est pas un homme qui a trébuché une fois dans la nuit, c’est un homme qui incarne l’impunité de la violence masculine lorsqu’elle est adoubée par le vernis du talent. Tant que son nom sera entouré de cette molle indulgence, tant que la presse continuera de l’évoquer avec des pincettes tremblantes, c’est tout un système qui se dérobe à l’évidence : certains hommes peuvent tuer des femmes, broyer des femmes, terroriser des femmes, et espérer malgré tout qu’on leur tresse des lauriers.
Après tout, ce ne sont « que » des femmes.
Aucune artiste femme ayant tué son compagnon à coups de poings et ayant poussé au suicide un autre, ne bénéficierait d’une telle indulgence. Elle serait vilipendée, discréditée, diabolisée, et détestée pour toujours.
Les hommes artistes, eux, ont ce droit-là : pouvoir tuer des femmes et faire la Une des Inrocks.
La seule réhabilitation possible, ce n’est pas celle de l’homme, mais celle du regard que la société porte sur ces violences. Il est grand temps de cesser d’élever en martyr celui qui ne fut jamais qu’un bourreau, et une merde de plus.
Regardez cette série. Vraiment. Elle remet l’église au centre du village.
Il est des figures que l’on préférerait reléguer aux marges de l’histoire, non par esprit de censure, mais parce que leur persistance dans l’espace public témoigne d’une complaisance coupable. Bertrand Cantat est de celles-là. Que son nom continue d’être murmuré avec une forme d’indulgence feutrée, que certains osent encore le parer du voile sacré de l’artiste maudit, voilà qui en dit long sur les accommodements douteux que notre société concède à la masculinité la plus brutale, pourvu qu’elle s’exprime en vers.
Car il ne s’agit pas ici d’un simple “homme ayant payé sa dette à la société”, comme on aime à l’ânonner pour excuser les puissants tombés en disgrâce. Il s’agit d’un homme dont la violence ne s’est pas arrêtée aux murs d’une chambre d’hôtel lituanienne, d’un homme qui, après avoir ôté la vie à Marie Trintignant sous les coups, a poursuivi sa route sans une once de discrétion, quémandant une réhabilitation artistique comme un droit inaliénable. Ses admirateurs, prompts à brandir la rédemption comme un passe-droit, feignent d’oublier qu’une autre femme, Kristina Rady, son épouse, s’est donnée la mort après des années sous son emprise, laissant derrière elle des enregistrements glaçants témoignant d’une terreur quotidienne.
Et pourtant, que de complaisance ! Que de pudeur sélective dans les colonnes de la presse musicale, qui préfère célébrer le “poète écorché” plutôt que d’affronter la laideur des faits ! Que de silences gênés dans les rédactions où l’on rechigne à nommer les choses, préférant des litotes élégantes aux mots crus : féminicide, violence conjugale, harcèlement. On parle de “destin tragique”, comme si la fatalité et le malheur avaient dicté ces actes, comme si la littérature du mal pouvait absoudre l’homme qui en incarne le pire visage.
Ce que révèle l’indulgence dont bénéficie encore Bertrand Cantat, c’est la puissance insidieuse de la masculinité toxique, ce culte du génie masculin qui excuse tout, même l’irréparable. Car dans l’imaginaire collectif, le “grand artiste” a toujours droit à une part d’ombre, fût-elle sanglante. L’homme violent devient une figure romantique, un écorché vif que l’on réhabilite au nom de la création, là où les victimes, elles, se réduisent à des fantômes.
À ceux qui continuent de le défendre, qui murmurent que “l’homme et l’artiste sont deux choses distinctes”, il faut opposer une évidence cruelle : Bertrand Cantat n’est pas un homme qui a trébuché une fois dans la nuit, c’est un homme qui incarne l’impunité de la violence masculine lorsqu’elle est adoubée par le vernis du talent. Tant que son nom sera entouré de cette molle indulgence, tant que la presse continuera de l’évoquer avec des pincettes tremblantes, c’est tout un système qui se dérobe à l’évidence : certains hommes peuvent tuer des femmes, broyer des femmes, terroriser des femmes, et espérer malgré tout qu’on leur tresse des lauriers.
Après tout, ce ne sont « que » des femmes.
Aucune artiste femme ayant tué son compagnon à coups de poings et ayant poussé au suicide un autre, ne bénéficierait d’une telle indulgence. Elle serait vilipendée, discréditée, diabolisée, et détestée pour toujours.
Les hommes artistes, eux, ont ce droit-là : pouvoir tuer des femmes et faire la Une des Inrocks.
La seule réhabilitation possible, ce n’est pas celle de l’homme, mais celle du regard que la société porte sur ces violences. Il est grand temps de cesser d’élever en martyr celui qui ne fut jamais qu’un bourreau, et une merde de plus.
Regardez cette série. Vraiment. Elle remet l’église au centre du village.